pourquoi unique, Notre-Dame du Pilier, cathédrale Chartres

Lieu majeur de dévotion, au sujet duquel on entend souvent quelques approximations.
Pour répondre aux questions de nos lecteurs, voici un bref résumé historique, tel que paru dans la revue Notre-Dame de Chartres.

« Cette appellation, qui ne date que du siècle dernier, désigne une image de la Vierge Mère, en bois, sculptée peu après 1500. Mais, si son histoire est bien connue des érudits, sa préhistoire, qui l’est moins, permet de remonter trois siècles plus haut.

Les pèlerins qui affluaient à la cathédrale à l’époque où l’édifice actuel était encore tout nouveau, et même inachevé, venaient y vénérer surtout la « sainte-chemise » de Notre-Dame, enfermée dans une châsse toujours close, conservée au maître-autel. Mais une relique invisible ne répond pas entièrement aux exigences de la dévotion populaire : en pareil cas, une image est très utile. L’Église l’a bien compris : elle a toujours encouragé le culte des images et a condamné l’hérésie des iconoclastes.
L’histoire ne nous apprend pas s’il existait dans la cathédrale incendiée en 1194 une statue de la Vierge Mère, mais nous savons fort bien que, dès 1220, c’est-à-dire lorsque le chœur actuel fut livré au culte, une statue de Marie, assise et tenant l’enfant Jésus sur ses genoux, fut placée au pied du crucifix dominant le maître-autel. Cette statue était un don du chanoine Pierre de Bordeaux. Elle est représentée, d’une manière conventionnelle il est vrai, dans un de nos vitraux (derrière Notre-Dame du Pilier, « lancette » de droite). La personnalité du donateur du vitrail a fait l’objet, en 1889-1890, d’une controverse assez vive entre l’abbé Clerval et un archéologue chartrain, Fernand de Mély, coutumier d’affirmations fracassantes et porté à soutenir avec obstination des hypothèses contestables. De la discussion a jailli la lumière : ainsi que l’a établi l’abbé Clerval, le vitrail a été donné, avant 1242, par Étienne Chardonel, chanoine de Paris. Controverse oubliée, mais qu’évoque – pour ceux qui savent – le nom de Fernand de Mély qu’on peut lire à Notre- Dame de Sous-Terre sur un ex-voto offert en 1869 « par un bachelier reconnaissant ». [NDLR : l’ex voto a été déposé mais conservé ].

La statue était en bois revêtu de feuilles d’argent. Une œuvre contemporaine et tout à fait analogue peut nous aider à nous la représenter : la belle Vierge d’Evron, qu’on a pu admirer à Paris il y a quelques années lors d’une exposition. Quant à la nôtre, elle a disparu dès avant la Révolution, le métal précieux qui la revêtait ayant été vendu – hélas ! – pour contribuer aux dépenses de la transformation du sanctuaire.

Mais, à cette époque, elle avait cessé, depuis longtemps déjà, d’être l’objet de la vénération des fidèles. La dévotion quelque peu indiscrète des pèlerins, qui, à toute heure, pénétraient dans le sanctuaire, déplut aux chanoines du début du XVIe siècle. Ils prirent le parti de les diriger vers une autre image, semblable à celle du maître-autel, mais placée dans la nef, en avant du jubé, du côté de l’Évangile. On fit donc une nouvelle statue, moins précieuse, en bois polychrome. Elle fut donnée par un membre du chapitre, nommé Wastin des Feugerets (prononcer : Vâtin des Fugerets). Le fait est rapporté dans la Parthénie de Roulliard, publiée en 1609 ; il a eu lieu, dit cet auteur « y a cent ans ou environ », renseignement qui concorde avec ce que nous lisons dans le testament du chanoine (janvier 1507-1508), aux termes duquel il lègue une somme pour entretenir une lampe devant l’image de la Vierge.

Ce document nous apprend que Wastin des Feugerets était riche et bienfaisant. Il nous révèle aussi la délicatesse de son cœur: ‘Je laisse semblablement à la fabrique de Saint-Laurens (de Nogent-le-Rotrou)… l’une de mes sainctures garnis de doux d’argent doré et mon fermillet, pour prester aux pauvres filles quand elles seront espousées, de la paroisse principalement, et qu’elles soient préférées aux estranges, afin que les pauvres filles prient pour moi …’ (Arch. Dép. d’E.-et-L. -G 1472). Le même document nous apprend qu’il avait été baptisé à Notre-Dame de Nogent-le-Rotrou.

Lorsque le jubé fut détruit (1763), la Vierge, avec la colonne qui la supportait, fut transférée contre le pilier nord-ouest du carré du transept, regardant, comme précédemment, vers la nef. »

à suivre…