
Fulbert bâtisseur, vitrail Gabriel Loire (1929)
1024 marque une étape, importante dans l’histoire de Chartres et donc de sa cathédrale. Un évêque, Fulbert, salue la fin des travaux de construction de son église basse avant l’arrivée de l’hiver. Cette construction est la première étape de son projet de cathédrale.
En effet la cathédrale tient son nom du siège de l’évêque, la cathèdre. Mais depuis quand Chartres est-elle siège d’un évêché ?
La légende chartraine fait remonter la chrétienté au premier siècle – soit pour le moins contemporaine à Marie, après l’Ascension du Christ. Un épisode de cette légende fait même remonter le temps avant la naissance de Jésus, par la présence d’une statue qui aurait illustré la Vierge qui allait enfanter.
Le chanoine Delaporte, dans son ouvrage « Les 3 Notre-Dame de la cathédrale de Chartres » paru en 1965, précise : « Nous n’avons pas ici à rechercher ce qu’il peut y avoir à retenir dans ces récits dont la caractère légendaire n’échappe à personne. » Par « ces récits », le chanoine Delaporte fait référence aux différents auteurs qui au cours des siècles antérieurs avaient cité, voire complété la croyance selon laquelle, avant même l’avènement de la Nativité, nos ancêtres avaient prophétiquement eu connaissance de la future incarnation de Jésus Fils de Dieu.

Envoi des disciples
De même, il convenait d’asseoir la chrétienté au plus près de la présence de Jésus sur terre. Un nouvel épisode légendaire vient renforcer cette volonté. Deux disciples de Jésus – parmi les soixante-douze auxquels fait référence Luc (10-1), Savinien et Potentien, seraient à l’origine de la christianisation de Chartres [Autricum] et sa région. Cette affirmation ne peut être confirmée et selon le diocèse de Sens, par lequel ces deux saints sont passés, leur présence serait avérée non pas au premier siècle mais au IIIe ou IVe siècle…
À ce sujet, nous reprenons en fin d’article un extrait du chapitre « Histoire d’un mythe de fondation » de « Chartres – La Grâce d’une cathédrale » (pages 409-418) rédigé par Marie-Francine Jourdan.
En fait, bien que nous devions rester prudents du fait de l’absence de traces précises, écrites ou de tradition orale, il apparaît que le premier évêque qui s’est vu confier le diocèse de Chartres était Adventin (ou Aventin) à la fin du IVe siècle.
Ce n’est donc qu’à cette époque qu’a pu apparaître la première cathédrale de Chartres. Nous sommes alors encore loin des édifices qui s’élèveront quelques siècles plus tard.
Nous ne disposons pas d’informations écrites sur les premières constructions. Cependant les fouilles, les recherches, les analyses du résultat des fouilles nous apportent quelques éclairages.

Crypte saint Lubin, mur mérovingien

Crypte saint Lubin, pilier mur ouest
De rares éléments de constructions mérovingiennes sont identifiés dans les fouilles effectuées dans la crypte Saint Lubin, située sous le maitre autel de l’Assomption du chœur de la cathédrale.
Une autre indication conforte la présence d’une église importante au VIIIe siècle. En 743, Hunald, duc d’Aquitaine, est en guerre contre le roi Pépin le Bref. Il assiège et fait le sac de la ville de Chartres. Suite à cette destruction, le roi fera un don à l’église de sainte Marie. Ce qui nous donne deux indications, en sus de la présence d’une église suffisamment importante pour que le roi s’y intéresse, cette dernière était consacrée à Marie.
Cent dix ans plus tard ce sont les vikings qui détruiront la cathédrale.
Si nous remontons dans le temps, nous trouvons, toujours dans la crypte Saint Lubin, une information relative au style de construction. Le mur nord est de conception gallo-romaine, a priori du IV-Ve siècle, sans plus de précision cependant. Cette observation ne suffit pas pour le dater avec certitude, mais elle nous livre une indication qu’il est possible de rapprocher de celle livrée par la base du puits redécouvert en 1901 par René Merlet, lors de ses fouilles. La base de ce puits est également de conception gallo-romaine. Rien ne permet de lier ces deux constructions sur le plan architectural ou chronologique, mais cela nous informe sur une datation ancienne quasi certaine, de certains éléments de constructions antérieures aux cathédrales qui se succéderont sur ce site.
La datation de la première église semble bien être au IVe siècle, avènement du premier évêque à Chartres. Or l’empereur Constantin a émis en 313 une lettre consacrant la tolérance religieuse, avant de recevoir lui-même la baptême avant sa mort quelques années plus tard. Cette lettre sera le point de départ d’un développement de la chrétienté dans tout l’empire.
Au VIe siècle l’évêque Solemne est cité comme ayant participé à l’instruction religieuse de Clovis.
Si nous rapprochons les résultats tangibles des analyses conduites grâce aux fouilles et les informations parfois difficiles à certifier, il semble bien que la chrétienté s’inscrive dans l’histoire de Chartres depuis son expansion dans l’Empire romain. Que les cathédrales se sont succédées sur le plateau qui surplombe l’Eure, et qu’elles devaient être dédiées à Marie peut-être dès l’origine.
Les légendes ont eu pour objet de renforcer l’appartenance de Chartres à la chrétienté depuis de longs siècles, mais également de renforcer le culte marial ancré également de longue date.
Ne nous dit-on pas que Marie « a choisi Chartres » pour sa résidence sur Terre, bien sûr il s’agit ici encore d’une légende, mais ces légendes ne sont-elles pas la traduction d’une foi profonde, ou pour le moins la volonté de la renforcer ?
Savinien et Potentien : Extrait de « Chartres, la Grâce d’une cathédrale » (page 410)
Une légende élaborée au XIe siècle par Gerbert, moine de la métropole de Sens, pénètre dans le Bréviaire et le Lectionnaire chartrains du XIIe siècle. La Passion de Savinien rapporte que Savinien, Potentien et Altin appartiennent aux 72 disciples du Christ. Pierre les envoie porter l’Évangile en Gaule. Ils fondent une église à Sens. Altin et Eodald – un nouveau converti, dépêchés par Savinien, gagnent Chartres où ils convertissent une partie de la population et consacrent un édifice qu’ils dédient à la Mère de Dieu. Quirinius, gouverneur de la ville, les emprisonne. Les fidèles martyrisés sont jetés dans un puits. Quirinius meurt. Altin et Eodald, délivrés, rejoignent Savinien à Sens. Tous mourront suppliciés.
article proposé par le service Accueil et Visites de la cathédrale,
dans le cadre du millénaire de la crypte