Durant la restauration du chœur & du haut-chœur entre 2009 et 2011, une bâche imprimée avait été installée en avant du chœur, permettant d’imaginer ce qu’était l’ancien jubé de la cathédrale.
Voici toutes les clés pour comprendre l’histoire du jubé – avec des clichés méconnus…

À propos du jubé de la cathédrale
 
Que deviennent les débris du jubé ? 
Dans un premier temps, il est probable que les chartrains ont pu à loisir se servir dans les décombres et palier ainsi aux réparations de leurs habitations. Puis les maîtres-d’œuvre, en accord avec les anciennes dispositions du droit canon qui assignent aux vestiges d’un édifice religieux l’obligation d’être employés in situ – en terre consacrée – se servent des bas-reliefs pour les réparations du pavement, face contre terre : à la croisée du transept, puis à proximité des grilles latérales du chœur. Solution choquante mais qui préserve l’avenir.
En 1836, suite à l’incendie des combles, des blocs de plomb fondu ayant chuté sur le dallage et nécessité l’intervention des maçons, un avocat chartrain (Doublet de Boisthibaut) signale aux autorités la découverte de plusieurs sculptures.
En 1848-49, l’architecte Lassus entreprend des fouilles systématiques, qui se révèlent rapidement fructueuses. Très vite, il apparaît que des fragments ont encore leur polychromie d’origine.
Les sculptures les plus remarquables sont présentées dans la crypte, puis dans la chapelle Saint-Piat, entre 1969 et 1993. Si quelques pièces sont propriétés du Metropolitan Museum, du Musée du Louvre ou de collectionneurs privés, 95% des éléments connus sont présents à Chartres : actuellement invisibles du public, en attendant d’être installés à la salle capitulaire, avec une mise en valeur qui empruntera aux muséographies les plus innovantes dans un projet de réaménagement du trésor (au 1er étage de la chapelle Saint-Piat, ainsi que du lapidaire au rez-de-chaussée), rendu par l’architecte P. Calvel et approuvé par la Direction Régionale des Affaires Culturelles.
 
Que donne l’inventaire des fragments existants ?
On y retrouve – notamment – deux grands quadrilobes ornés, l’un avec les figurations des évangélistes, l’autre avec des animaux terrestres, et sept grands reliefs de l’enfance du Christ : Annonciation, Nativité, Annonce aux bergers, Mages et Hérode, Adoration des mages, Réveil des mages, Présentation au temple.
Tout est là : des artistes notoirement inspirés, des mises en scène riches de symboles, des pages qui sont parmi les plus belles de l’Évangile, un talent évident dans le rendu des gestes et l’expression des visages, une qualité d’exécution et un sens des détails qui défie l’entendement, un état de conservation enfin qui a peu d’équivalent – puisque ces sculptures n’ont évidemment pas subi les intempéries. Les experts mettent les reliefs aux rangs des plus belles sculptures que nous ait léguées le Moyen Âge. On se souvient de grands universitaires anglo-saxons qui en approchaient avec une excitation d’enfant et des yeux écarquillés.
 
À quoi ressemblait le jubé ?
On peut le déduire tout à la fois de plusieurs gravures datées du XVIIe / XVIIIe siècle et des découvertes ‘archéologiques’ effectuées au XIXe siècle.
C’était une galerie couverte, voutée d’ogives et reposant sur des colonnes d’une extrême finesse.
Du côté chœur, on trouvait deux escaliers permettant l’accès à la plate-forme.
Du côté nef, le jubé avait l’aspect d’un cloître, avec sept arcades – chacune d’elles composée d’une double ouverture, d’une rose et surmontée d’un gâble.
Entre les gâbles, au niveau du parapet, prenaient place les reliefs de l’enfance du Christ : c’est dire que la méditation sur la venue du Christ dans l’histoire des hommes était  – vraiment – au centre de la cathédrale.

Le jubé est détruit en 1763. Au cours des années suivantes, plusieurs bas-reliefs du jubé servent à des réparations ou aménagements du dallage, face sculptée tournée contre terre. Certains, parmi les plus importants, sont utilisés dans le déambulatoire, au niveau des grilles latérales du chœur. Cette solution, aussi choquante paraisse-t-elle, a sans doute l’intérêt de conserver dans la cathédrale des fragments essentiels. Lassus, entreprend des fouilles en 1848, qui permettent de les identifier.
Emplacement - déambulatoire sud.
Emplacement - déambulatoire nord. Une dalle de pierre tendre, qui avait ainsi remplacé au XIXe siècle certains bas-reliefs du jubé, était fracturée. Elle a été remplacée en avril 2009.
Présentation du jubé au XIXe siècle - dans la chapelle Saint-Martin de la crypte. La présentation est typique de la muséographie de l’époque, qui privilégie l’accrochage au mur et juxtapose les fragments jusqu’à saturation.
Jusque dans les années 1975-76, la chapelle est lambrissée et peinte - au motif de la colombe, utilisant des cartons de Paul Durand. Cette chapelle accueillera par la suite plusieurs statues originales du portail royal.
Plusieurs bas-reliefs, considérés parmi les plus représentatifs et élaborés de l’art gothique, ont été moulés pour figurer au Musée de sculpture comparé, au palais de Chaillot.
Photographie de Henri Olivier (1923) - Bibliothèque de l’Architecture et du Patrimoine.
Une reconstitution d’une arcade du jubé, avec deux bas-reliefs, figurait dans la grande exposition L’Europe gothique, organisée à Paris en 1968 à l’initiative du Conseil de l’Europe.
Dans les années 1960, les fragments du jubé rejoignent la présentation du trésor de la cathédrale, dans la chapelle Saint-Piat. Les éléments les plus significatifs sont sélectionnés et disposés sur des consoles, le long des murs latéraux. Le trésor fermera en 1995.
Carte postale années 90/92.
Vue de la salle capitulaire, située sous la chapelle Saint Piat. Cette salle voûtée ou l’on observe d’importants restes de peinture murale (XIVe siècle) est prévue pour accueillir à terme les éléments sculptés provenant du jubé, dans une nouvelle muséographie qui permettra d’en admirer les détails dans des conditions optimales et de mieux visualiser à quoi ressemblait l’ensemble de la construction.
Le bas-relief le plus célèbre : celui de la Nativité. Il faut le situer, de l’avis de nombreux critiques, à la hauteur des plus grandes œuvres de la sculpture universelle. Élégance des drapés, intensité des regards, douceur infinie des gestes, spiritualité à fleur de peau, portée du message : une puissance esthétique et mystique qui ne peut laisser indifférents.