par Félicité Schuler-Lagier, Interprète-conférencière au Centre international du Vitrail
avec l’aimable autorisation de Chartres Sanctuaire du Monde
(suite)
Posséder des reliques d’un saint était, pour une église ou un monastère, un moyen infaillible d’attirer les foules, et ainsi d’obtenir de plus ou moins riches dons ou dotations. La vénération des restes de saints était telle qu’on n’hésitait pas quelques fois à les voler : tel le vol (furta sacra) des reliques de saint Nicolas de Myre par les commerçants de Bari, ou celui des reliques de saint Martin, mort à Candes, par les habitants de Tours (Fig. 7). La translation de la dépouille du saint, en novembre 397, dans une barque sur la Loire (Fig. 8), donna lieu, comme le raconte la légende, à un miracle spectaculaire : les buissons se mirent à refleurir sur son passage le long de la Loire ! Miracle qui serait à l’origine de ce qu’on appelle l’été de la Saint-Martin, un redoux qui touche la France autour du 11 novembre, fête de la Saint-Martin.
Le reliquaire, appelé aussi lipsanothèque (du grec, leipsana, les restes), est au Moyen Âge un coffret de taille et de forme variables, mais toujours richement orné d’orfèvreries et de pierres précieuses. On y conserve les ossements (reliquiae, restes) d’un saint : un fragment du corps, ou quelque objet ayant appartenu au saint ou l’ayant touché, directement ou par contact avec son tombeau (reliques de contact), voire un peu de poussière provenant de ce tombeau ou de son voisinage.
La forme classique d’un reliquaire était celle d’une petite chapelle (Fig. 9), mais il pouvait aussi prendre la forme des restes qu’il contenait. Ainsi le chef-reliquaire enfermant le crâne prenait alors la forme sphérique d’un saint. (Fig. 10)
La cathédrale de Chartres s’honorait de posséder, entre autres, le chef de saint Théodore, offert à la cathédrale par l’évêque Geoffroy de Lèves, en 1120, sur le reliquaire duquel les chanoines de la cathédrale, lors de leur prise de fonction, prêtaient serment.
Il y avait aussi à la cathédrale de Chartres, présent dans le Trésor depuis le début du XII siècle, un galactophore, un petit flacon de verre contenant quelques gouttes du lait de la Vierge, grâce auxquelles l’évêque Fulbert avait été guéri du mal des ardents, et qu’il aurait recueillies dans cette fiole. Deux représentations d’une Vierge allaitante (baies 138 et 30), l’une dans la nef et l’autre dans le chœur (Fig. 11), peuvent très bien s’interpréter en relation avec cette guérison miraculeuse de Fulbert.
à suivre…
Article original publié dans la Lettre de Chartres Sanctuaire du Monde (mai 2021)