par Félicité Schuler-Lagier, Interprète-conférencière au Centre international du Vitrail
avec l’aimable autorisation de Chartres Sanctuaire du Monde

 

(suite et fin de l’article « La symbolique des pierres précieuses »)

Suivant le récit de la Genèse, les poissons sont créés le cinquième jour, en même temps que les oiseaux. L’apparition de la vie sur la terre est signalée par un acte extraordinaire du Créateur, la Bénédiction divine, dont la formule montre qu’elle avait pour but la propagation des espèces nouvellement créées. La fait d’évoluer dans un élément étranger à la vie humaine, a conféré au poisson un caractère mystérieux. Les premiers chrétiens, avant d’oser employer la croix dans leurs monuments, représentaient volontiers le poisson dans la décoration, à cause du mot grec Ichthys, poisson, dans lequel on trouve les initiales de Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur. Le poisson est la figure de Jésus-Christ, du Christ pêcheur qui prend les âmes dans les filets de son amour. Le poisson rappelle encore la pêche miraculeuse (Fig. 4) et le miracle de multiplication des cinq pains et des sept poissons avec lesquels Jésus nourrit cinq mille personnes. Dès les premiers siècles chrétiens, le poisson a inspiré une riche iconographie, et de mystérieux, il deviendra un animal mystique.

Considéré comme annonce de l’Eucharistie, le poisson remplace même parfois l’agneau sur la table du dernier repas, la Cène (Fig. 5).

détail vitrail des Apôtres, baie 00, Chartres

Fig. 4 – La pêche miraculeuse. Détail du vitrail des Apôtres, baie 00 © NDC-fonds Gaud

détail vitrail de la Passion, baie 51, Chartres

Fig. 5 – Le Christ-Poisson qui se donne en nourriture. Détail de la Cène, vitrail de la Passion, baie 51 © NDC-fonds Gaud

Le poisson était regardé comme le symbole non seulement de Jésus-Christ, mais du chrétien lui-même, en référence à la parole du Christ : « Je vous ferai pêcheurs d’hommes ». Et dans les premiers siècles, les Pères désignaient souvent les fidèles sous l’appellation allégorique de pisciculi, petits poissons. Ce nom faisait allusion à la régénération qu’ils avaient reçue dans la piscine du baptême, comme l’a rapporté Tertullien. À ce titre, le poisson, comme le cerf ou la colombe, figurait, dans les baptistères, le chrétien nouvellement baptisé.

En raison de ce poisson céleste qui nous rachète et nous sauve, on a nommé piscine les fonts baptismaux, dont l’eau, milieu où se meuvent les poissons, nous purifie de toutes nos souillures. Saint Brunon d’Asti, expliquant les six jours de la Création, dit encore des poissons qu’ils naissent du sein des ondes, qu’ils sont la masse des fidèles régénérés par le sacrement du Baptême.

Cuve baptismale, Goudji

Cuve baptismale de la cathédrale de Chartres (2020), Goudji

Quant au cercle, que l’artiste Goudji a retenu pour placer les poissons et les gemmes, tout ce qui est d’essence divine et céleste peut être symbolisé par le cercle, dont tous les points correspondent au centre par les rayons, à l’image du ciel qui environne notre globe, et parce que cette figure géométrique parfaite, dessinée d’un seul trait, n’ayant ni commencement ni fin, est incommensurable comme Dieu est infini.

 

Article original publié dans la Lettre de Chartres Sanctuaire du Monde (novembre 2020)