Extraits de L’Ancienne Maîtrise de N-D de Chartres du Ve siècle à la Révolution,
J. A. Clerval, Paris, 1899

La fête patronale des « enfants d’aube » de la cathédrale de Chartres rentrait dans la catégorie de celles qui suivaient Noël, et qui, de toute antiquité, dans la Cathédrale et les monastères, se célébraient par les clercs les jours mêmes de Saint-Jean, de Saint-Étienne, des Saints-Innocents, ou à leurs octaves dans les premiers jours de janvier.
Les diacres commençaient le jour de Saint-Étienne ; les sous-diacres continuaient le jour de Saint-Jean ; les enfants de chœur terminaient aux Saints-Innocents.
Les uns et les autres avaient peu à peu, sans doute sous l’influence des anciennes réjouissances païennes qui avaient lieu à cette époque, transformé ces graves et pieuses fêtes en fêtes légères et même bouffonnes.

À Chartres, la première défense apparaît en 1297 dans l’Ordinatio servicii Ecclesiæ : « Que dans les octaves de la Nativité et des fêtes suivantes, est-il dit, l’on cesse absolument les excentricités accoutumées, c’est-à-dire, qu’on ne change ni le chant ni le costume et que le service soit célébré avec solennité ». Les clercs, paraît-il, se mettaient en chapes et chantaient des épîtres farcies *. Nous en avons encore plusieurs qui d’ailleurs sont très intéressantes.

(* Épîtres farcies, nom qu’on donnait, pendant le Moyen Âge, aux épîtres de certaines messes solennelles dont les versets étaient chantés alternativement en latin et en rimes de la langue vulgaire)

Toutefois, un Chapitre général de 1300 maintint expressément la fête des Fous, mais à condition qu’elle serait célébrée dévotement : Quod festum fatuorum remaneat omnino et celebretur devote. En 1301 on défendit seulement de la faire pendant la messe d’Obit : ce qui était assez légitime. Mais il y eut quand même des abus, et, en 1313, on revint à l’ancienne sévérité. On distingua pour la première fois entre la fête des Fous et celle des Innocents. On défendit l’une, on permit l’autre. « Que le jour des Innocents, disait-on, les enfants d’aube célèbrent honnêtement leur fête, c’est-à-dire, avec chapes, lisant bien, chantant convenablement et décemment. Mais que toutes les fêtes des Fous disparaissent. Dorénavant nous les réprouvons, et nous statuons que les contrevenants à cette défense perdront tous les émoluments des jours où tombent ces fêtes ».

À partir de ce temps, la distinction entre les deux sortes de fêtes fut toujours maintenue. Nous la retrouvons dans l’ordonnance de 1366 qui interdit de nouveau la fête des Fous et spécialement le Doyen du bas chœur, et réserve celle des Innocents et le chant pascal. Tout fut supprimé : « On ne conservera, ajoute expressément l’ordonnance, que le jeu de l’évêque des enfants d’aubes, auquel les enfants seuls prendront part, et le chant que l’on appelle Chorea, chant accoutumé au temps pascal. Et encore ces deux usages, le Chapitre les tolérera tant qu’il les jugera bons ».

Bien que très sévère, cette ordonnance ne fut pas plus exécutée que les précédentes. En 1479, le Chapitre lança un nouveau décret dans lequel, en proscrivant la fête des Fous, il réserva encore expressément la fête des enfants : « Cependant, les enfants d’aube pourront, s’ils le veulent, célébrer et solenniser leur fête des Saints-Innocents, comme ils ont coutume chaque année ».

À partir de 1507, il n’est plus question que de la fête des Saints-Innocents. Elle s’était développée avec toute la naïveté du Moyen Âge.

Seconde partie à suivre…