1980 - Pierre Fimin-Didot

Sa vie durant, Pierre Firmin-Didot ne cessa de se dévouer à l’insigne basilique, porté par sa vision globale de l’univers de Chartres : campagne pour un nouvel orgue dès 1964, puis le Concours international « Grand Prix de Chartres » et le Festival d’orgue ; le Centre international du vitrail en 1980, l’association Chartres, sanctuaire du Monde en 1992…
Nous poursuivons notre hommage par quelques témoignages, recueillis par son épouse.

Témoignage de Jean-François Lagier *

Firmin-Didot est le nom d’une famille française, qui a vécu pendant trois siècles au service du livre et l’édition. Pierre Firmin-Didot (1921-2001) appartint à la neuvième génération de « Didot, imprimeur et éditeur ». Enfant de chœur à la cathédrale de Chartres, il fut impressionné par les fastes de la grande liturgie romaine. De par sa foi et son goût pour les splendides cérémonies religieuses, naîtra sa vénération pour l’univers de Chartres.
« Dès l’âge le plus tendre, j’éprouvais une sorte de ravissement quand, jeune enfant de chœur, guidé par la lumineuse figure de Mgr Harscouët, je servais la grand-messe de Notre-Dame de Chartres. L’amour de Dieu, certes, me portait, mais il était magnifié pour le petit que j’étais par tout ce qui, autour de moi, irradiait de beauté : l’harmonie de la liturgie, des chants, des ornements, les parfums des fleurs et de l’encens, la lumière magique des vitraux qui faisait surgir en autant d’apparitions les personnages si familiers de l’histoire sainte et, enfin, comme embrassant et embrasant littéralement le tout, la puissante majesté des orgues, capables de nous mener des tremblements du Dies Irae jusqu’à la bienheureuse vision de l’Agneau de Dieu, tel qu’en saint Jean. »

Aussi, sa vie durant, il ne cessa de se dévouer à l’insigne basilique de Chartres : rénovation complète des grandes orgues, création du premier concours international d’orgue et de l’association des Grandes orgues de Chartres (1971), création du Centre international du Vitrail (1980), enfin, fondation de Chartres, sanctuaire du Monde (1992), pour apporter au sanctuaire les moyens modernes nécessaires à sa préservation et à son rayonnement.

Pierre Firmin-Didot était un pionnier : il portait la « vision » moderne du patrimoine.
Alors qu’à son époque le mot n’était encore qu’un terme de notaire, il savait qu’il deviendrait la croisade de notre temps, qu’il incarnerait la question de l’identité, et se transformerait en cause nationale, qui embrasse aujourd’hui la sauvegarde et la conservation des œuvres et des édifices historiques, comme la défense de l’environnement naturel et bâti.
Il a anticipé ce mouvement à Chartres à travers toutes ses actions, fruit d’une pensée qui n’était pas le signe d’une simple nostalgie des choses passées, une « folklorisation » du patrimoine, avec des contenus que l’on aurait vidés de leur sens : c’est la cathédrale vivante qu’il a vue comme un phare de l’Occident chrétien, celle qui incarne des valeurs fixes d’identité, la cathédrale que défendait Proust, qui affirmait que la vocation religieuse du monument était le garant de sa beauté artistique.
Pierre Firmin-Didot accordait toujours une confiance entière à toutes les personnalités engagées, qu’il lui plaisait de réunir en cercles d’amitiés ferventes, dans un même élan de tradition française de distinction et de bel esprit, afin d’œuvrer pour que l’ « Univers de Chartres » conduise les âmes de bonne volonté sur le chemin qui mène à la Vraie Lumière immatérielle : « Que Dieu vous garde, amis, leur disait-il, sous l’ombre tutélaire de Notre-Dame de Chartres !»

Jean-François Lagier *

Président de Chartres, sanctuaire du Monde
Directeur du Centre international du Vitrail
Trésorier de l’association des Grandes Orgues de Chartres

 

Témoignage de Colette Morillon *

Pierre Firmin-Didot, un président d’exception !

Les racines de l’Association des grandes orgues de Chartres sont nées dans le cœur, dans l’esprit et dans la volonté d’un homme. En 1964, Pierre FIRMIN-DIOT, a mené une campagne pour sauver les grandes orgues de la cathédrale de Chartres, apportant un peu plus de la moitié des fonds nécessaires à leur rénovation. La renaissance d’un instrument de cette importance fut un événement marqué d’un éclat tout particulier lors des cérémonies d’inauguration présidées par Monsieur Georges POMPIDOU, président de la République, les 5 et 6 juin 1971.

Pierre Firmin-Didot a toujours su s’entourer des plus hautes personnalités, et c’est lors de cette inauguration qu’est né le Grand Prix de Chartres, sur les conseils et avec l’aide de Pierre Cochereau.

Le grand-orgue de la cathédrale retrouvait sa voix, et il était important ensuite, dans l’esprit de Pierre Firmin-Didot, qu’en dehors de la liturgie le grand-orgue puisse se faire entendre à l’occasion de manifestations culturelles destinées au rayonnement international de la cathédrale.

Ses buts sont atteints :

  • révéler et promouvoir les jeunes talents de l’orgue en France et à l’étranger (nous avons toujours privilégié la carrière de l’artiste, et remporter le Grand Prix de Chartres est devenu un rêve pour tout organiste et les lauréats reconnaissent qu’il les a aidés à démarrer une carrière internationale). De même la plupart des récitalistes du Festival (créé en 1975) témoignent du privilège qu’ils ressentent de pouvoir « faire chanter les pierres de la cathédrale »,
  • organiser des manifestations de prestige en la cathédrale de Chartres contribuant ainsi à son rayonnement culturel universel.

Ce qui a été passionnant, c’est l’organisation d’une animation de qualité, la dimension mondiale de ces activités, les contacts avec tous les grands organistes, la découverte des jeunes talents, le partenariat avec des Associations et Festivals dans le monde entier.

Avec Pierre FIRMIN-DIDOT, grâce à ses nombreuses relations qu’il mobilisait au profit de Chartres, tout était toujours du plus haut niveau :

  • En dehors des deux pôles d’activités, concours et festival, l’Association des Grandes Orgues de Chartres a également organisé des concerts exceptionnels en la cathédrale de Chartres : Grandes Orgues et Trompette avec Pierre Cochereau et Roger Delmotte, François-Henri Houbart et Bernard Soustrot, Cuivres de l’Opéra de Paris et de la Garde Républicaine, Maîtrise de Notre-Dame de Paris…
  • L’Association des grandes orgues de Chartres a aussi été présente à Paris au travers d’autres manifestations de prestige données à son profit : Soirées de bienfaisance à la Résidence de l’Ambassadeur des États-Unis en présence des plus hautes personnalités et avec le soutien du Président des États-Unis, Ronald Reagan, qui avait fait un don personnel.
    C’était un énorme travail et Pierre Firmin-Didot y consacrait tout son temps. Toute cette organisation ayant pour but ce moment unique du concours ou du concert en la cathédrale.
    Durant le Festival, chaque dimanche de l’été, Pierre Firmin-Didot accueillait le public et présentait les concerts. Je revois sa haute silhouette à la croisée des transepts où il savait, avec autant de gentillesse que de fermeté, dissuader les visiteurs de se promener dans l’enceinte du concert.
    Pierre Firmin-Didot, nous aura permis de vivre ces moments d’écoute partagée. Des instants où la beauté nous touche profondément, car elle est présente sur tous les plans : la pureté des lignes architecturales de la Cathédrale qui nous élève et nous apaise – et puis l’alliance de la lumière et de la musique dans ce monument qui dégage une atmosphère si particulière.
  • Porté par sa vision globale de l’univers de Chartres, Pierre Firmin-Didot a ensuite créé le Centre International du Vitrail, puis « Chartres, sanctuaire du Monde », associations d’envergure au service de Chartres et de sa cathédrale.

Pierre FIRMIN-DIDOT aura vraiment été un président d’exception !

Colette Morillon *

Collaboratrice de Pierre Firmin-Didot dès 1970
Directrice de l’Association des grandes orgues de Chartres de 1991 à 2006

 

Témoignage de Daniel Roth *

Chère Lynne,

Nous devons la plus grande reconnaissance à Pierre Firmin-Didot pour tout ce qu’il a fait pour la magnifique cathédrale de Chartres et pour la création du concours international pour orgue de Chartres.

Toute son œuvre restera pour les générations à venir.

L’homme était d’une grande bonté et avait une autorité naturelle qui m’a toujours beaucoup impressionnée. Je garde un grand souvenir de lui.

Daniel Roth *
Organiste de l’église Saint-Sulpice à Paris
Grand Prix de Chartres 1971

 

Témoignage d’Éric Lebrun *

Pierre Firmin-Didot aurait déjà cent ans cette année !

Jeune organiste, encore étudiant au Conservatoire, j’ai croisé sa route lors du « Grand prix de Chartres » 1990. J’ai été touché d’emblée par la très grande élégance, la profonde gentillesse de cet homme sensible et généreux. Il m’a fait confiance, m’a invité à donner un concert dans cette cathédrale qu’il aimait tant et pour laquelle il a mis en œuvre tant d’actions admirables. C’est à lui que l’on doit la mise en mouvement de tout le travail de restauration, de mise en valeur du patrimoine magnifique qui éclate aujourd’hui devant nos yeux. 

Les hommes qui initient, qui osent, qui « prennent un billet aller sans retour » pour une belle aventure, permettent à notre monde de respirer et d’espérer. Grande reconnaissance !…

Éric Lebrun *

Organiste de l’église Saint-Antoine des Quinze-Vingts à Paris
Professeur d’orgue au Conservatoire de Saint-Maur-des-Fossés
Professeur honoraire au Conservatoire Royal de Aarhus (Danemark)

 

Témoignage de Christophe Mantoux *

Voici 20 ans déjà, le départ prématuré de Pierre Firmin-Didot fut une grande tristesse dans le monde de l’orgue. Nous sommes nombreux, dans le monde entier, à lui devoir beaucoup, même s’il ne s’est jamais mis en avant à ce propos. Simplicité, modestie, abnégation, mais aussi générosité, dynamisme, imagination, persévérance : que de qualités réunies en un seul homme, qui lui ont permis, en sachant s’entourer de personnes compétentes et dévouées – comment ne pas penser en particulier à Colette Morillon, extraordinaire secrétaire du Concours pendant de très nombreuses années – de mener à bien une magnifique entreprise au service de l’art, de l’orgue et des organistes !

Présidant le concours, Pierre Firmin-Didot était affable, courtois, bienveillant, réellement simple. Au cours des années, j’ai aussi découvert un homme plein de charme, ayant conservé toute sa capacité d’émerveillement, et ne cachant pas un caractère tendre et rêveur. 

Cher Pierre, en cette année de votre centenaire, nous vous exprimons notre profonde reconnaissance. Vous avez eu la joie rare de voir s’épanouir la réputation mondiale du Concours que vous avez créé ; que votre œuvre, bien vivante aujourd’hui, continue sa magnifique vocation d’émulation, au service de l’excellence de l’art !

Christophe Mantoux *

Grand prix de Chartres interprétation 1984
Professeur d’orgue au Conservatoire régional et au Pôle supérieur de Paris
Organiste titulaire de l’église Saint-Séverin à Paris
Membre de la Commission nationale des monuments historiques (section des orgues)