Ce document, reproduit ici dans son intégralité un long article sur les cryptes de la cathédrale de Chartres, et n’a pas valeur scientifique. Il sert d’introduction à un travail portant sur la mise en valeur des parties basses et contribue ainsi à dégager les spécificités d’un tel espace.

Une rarissime configuration des lieux
L’essentiel des volumes concernés ne correspond pas à proprement parler à ceux d’une ‘crypte’ – tel que le terme est ordinairement entendu – mais à une véritable ‘église basse’. De nombreuses ouvertures avec éclairage y ont été prévues dès l’origine. Aujourd’hui, les murs de la crypte sont semi-enterrés. Cependant, en fonction du périmètre concerné, cette partie enterrée ne concerne pas plus que 10%, 30% ou 60 % de l’élévation entre sol des cryptes et sol de la cathédrale. La perception immédiate des lieux est celle d’un long couloir, dont les universitaires tendent à confirmer la fonction processionnelle.
L’espace inférieur serait conçu comme un lieu d’accueil des pèlerins, invitant à un cheminement fait de prières et de chants, par opposition au vaisseau supérieur, consacré à la célébration de l’eucharistie. Ainsi, les galeries (plus de 250 m de déroulé) font de Chartres la plus longue crypte au monde – à défaut d’être la plus vaste. L’idée doit en revenir à l’évêque Fulbert, dont le millénaire de l’accession à l’épiscopat, en 2006, a remis en valeur la stature spirituelle et intellectuelle d’un homme ‘hors norme’.

Un intérêt au vu de l’archéologie et de l’histoire de l’art
Dans cette crypte, est visible un puits pour lesquelles les datations oscillent entre le IIe siècle av. JC et le IIe siècle ap JC. Les recherches – émanant de multiples auteurs qui ont fait controverse – ne sont pas encore parvenues à établir de solution tout à fait satisfaisante quant à la compréhension des structures en place pour les édifices antérieurs à l’an mil. Il y a consensus sur l’existence, dans un couloir de fouilles, des restes gallo-romains et carolingiens. La ‘Crypte St Lubin’ (Martyrium) daterait probablement de la fin du Xe siècle.
L’église basse de Fulbert, qui représente l’élément structurant des cryptes, est a contrario parfaitement documentée : son édification s’est réalisée entre le printemps 1020 et l’automne 1024. Il s’agit ainsi d’un témoignage extraordinaire sur un modèle d’architecture (pré-roman), époque sous-représentée à l’échelle du territoire français.

Un grand lieu de spiritualité – ancré dans la tradition
Notre-Dame de Sous-Terre (et le puits adjacent) sont l’objet d’une vénération multiséculaire qui ont consacré la crypte de Chartres comme l’un des principaux sanctuaires mariaux. Au cours des années 2005-2006-2007, ce sont par exemple soixante-sept nationalités qui ont souhaité y célébrer avec leur communauté de pèlerins – si l’on s’en réfère au livre d’or des prêtres. La volonté du rectorat est d’y solliciter, de façon plus décisive, les démarches de prière – qu’elles soient le fait de groupes ou d’individuels.
Notre-Dame de Sous-Terre a été associée au mythe de la ‘Vierge devant enfanter’. L’argument en est le suivant : des prêtres celtes, avant même l’an 0, sont prévenus miraculeusement qu’une vierge, dans un pays lointain, mettra prochainement au monde le sauveur. Ils commencent à prier devant une statue qui lui est dédiée. Au-delà des analyses historiques (l’attachement des chartrains à la dévotion mariale, si forte que ‘tout doit avoir ici sa source’, la nécessité de gagner en notoriété à une époque ou le prestige des sièges épiscopaux tient à leur ancienneté), cette tradition est respectable, tant elle a marqué le catholicisme français – avec une ampleur tout à fait considérable quand la crypte fut ré-ouverte au culte, en 1860.
La présence d’une telle figuration de la ‘mère’, enfouie au sein de l’élément terre, au contact de l’eau : On voit également comment ce lieu est devenu un point d’ancrage des spiritualités alternatives, essentiellement liées au New Age.

L’exposition sur place d’œuvres inestimables
Sont déposées dans l’une des chapelles de la crypte plusieurs colonnettes et statues provenant du portail royal – suite aux restaurations engagées au cours de la décennie 70. Il s’agit là de sculptures dont l’attraction est internationale : parmi les plus chères au monde – dans la mesure même où une transaction serait envisageable ; parmi celles que les artistes du XIXe siècle et XXe siècle présentent à l’envi comme des moments insurpassables de l’art universel (ainsi Auguste Rodin, Henri Matisse).

La présence de l’art contemporain
Le paradoxe de Chartres est le suivant. Aucun maître verrier ne saurait se défaire complètement de l’influence de la cathédrale, tant l’ensemble existant reste unique dans l’art du vitrail. Pourtant, il ne peut y opérer – puisque par définition les fenêtres sont en place. La crypte a bénéficié ainsi d’une sorte d’appel d’air : vitraux des ateliers Lorin (1873), vitraux de Gabriel Loire (1925 – sur le thème de Fulbert enseignant et bâtisseur), vitraux du père Couturier (1937 – Saint Jean Baptiste, Saint Louis, Ste Jeanne d’Arc), vitraux de Simone Flandrin (1975 – abstrait), vitraux de Kim En Joong (2006 – en hommage à Fulbert à l’occasion du millénaire), croix de Pierre Le Cacheux (2006), mur de lumière de Udo Zembok (2006).
Ainsi s’esquisse une sorte de voyage au travers de l’art verrier, qui fait contrepoint à l’ensemble ‘définitif’ visible en partie haute.

Crypte ‘de Fulbert’ © NDC
Chapelle de Notre-Dame de Sous-Terre © NDC
Reliquaire © NDC
Statue de Marie ‘Notre-Dame de Sous-Terre’ © NDC
Espace baptismal dans la crypte © NDC
Espace baptismal : mur de lumière de U. ZEMBOK © NDC
Crypte saint Lubin © NDC
Chapelle saint Clément : peinture murale © NDC