détail du grand orgue de la cathédrale de Chartres © P. Frémont

par Philippe Lefebvre, président de l’association des Grandes Orgues de Chartres *,
avec l’aimable autorisation de Chartres Sanctuaire du Monde

 

Monument historique exceptionnel, le grand orgue de Chartres va faire l’objet d’une totale reconstruction.
L’un des enjeux de cette restauration est le rayonnement de la cathédrale.

Le buffet du grand orgue de la cathédrale de Chartres est l’un des plus anciens et des plus remarquables de France. Son origine remonte au XIVe siècle ; reconstruit en 1475, puis agrandi en 1542, il est classé parmi les monuments historiques.

Dès sa construction, l’orgue a été placé dans la nef à la croisée du transept sud, un emplacement optimal pour la propagation du son et sa proximité avec le chœur de la cathédrale, celle-ci étant dotée d’une acoustique exceptionnelle.

Le plancher de la tribune est à 16 mètres au-dessus du sol de la nef, le clocheton de la tourelle centrale culmine à 30 mètres au-dessus du sol de la nef (le plus haut étant celui de la tourelle côté gauche à près de 33 mètres). Le grand buffet s’étale sur une hauteur de plus de 15 mètres : c’est l’un des plus grands de France.

Sa reconstruction à la Renaissance va donner à l’orgue l’essentiel de sa physionomie actuelle, et on ne peut s’empêcher de faire certaines comparaisons avec le château de Chambord…

Les études, réalisées récemment à l’initiative du ministère de la Culture, ont montré la présence de deux polychromies superposées sur les moulures : la plus ancienne, ocre jaune sous vernis brun rouge ; la plus récente, jaune vif sur une préparation blanche. Elles ont aussi montré la fragilité du buffet et la nécessité de sa complète restauration.

 

L’orgue, instrument de musique

Tout au long de son histoire, l’orgue a fait l’objet de rénovations, reconstructions, agrandissements, notamment dans sa partie sonore et ses organes de transmission. Ces interventions, plus ou moins heureuses selon les époques et les moyens financiers, se sont faites tous les 30 à 40 ans en moyenne.

La dernière grande intervention remonte aux années 1969/1971. Il s’agissait alors de faire un instrument « néo-classique » et de gonfler l’instrument avec un maximum de tuyaux et de jeux. Or, si l’instrument est tout en hauteur, il n’a que très peu de profondeur. Ses organes sont depuis quelques années en fin de vie et le grand orgue est « sous perfusion », l’ensemble des matériels étant aujourd’hui obsolètes.

C’est pourquoi l’Association des grandes orgues de Chartres milite depuis de nombreuses années pour sa reconstruction. Il s’agit d’une part de restaurer le buffet et de doter la cathédrale d’un orgue remarquable, et d’autre part d’assurer sa pérennité.

Cette reconstruction s’appuiera sur la grande tradition de facture d’orgues française, tant sur le plan sonore que sur le plan mécanique. Mais surtout il s’agit de prendre en compte les contraintes du buffet, de disposer les tuyaux dans peu de profondeur et de faciliter l’entretien de l’instrument par un accès simplifié. Au-delà de la qualité des matériaux (tuyaux d’étain et de plomb), de matériaux nobles pour les éléments mécaniques, il s’agit aussi de doter l’instrument des multiples possibilités offertes par les nouvelles technologies.

Ce grand orgue comptera 45 à 50 jeux, soit environ 3500 à 4000 tuyaux, et sera équipé d’une mémoire informatique permettant à l’organiste de préparer en toute quiétude les œuvres interprétées.

 

Le rayonnement de Chartres

Un des enjeux de cette réalisation est de contribuer au rayonnement de la cathédrale, dont le concours international d’orgue et le festival d’orgue sont des éléments majeurs. Il s’agit aussi de mettre l’orgue au niveau des plus grandes réalisations internationales en ce domaine.

Avec une transmission mécanique, capable de reproduire le subtil toucher des interprètes, une palette sonore s’identifiant à l’acoustique de la cathédrale et illustrant la grande tradition française, et des possibilités nouvelles en matière numérique, les interprètes et les improvisateurs disposeront d’un instrument de musique qui suscitera leur imagination.

 

Un effort sans précédent de l’État

Cette réalisation vient couronner la restauration du chœur et de la nef, et prochainement des transepts, en redonnant au grand orgue de Chartres sa magnificence et son éclat.

L’Association des grandes orgues de Chartres a milité depuis plus de 20 ans pour aboutir enfin à ce projet qui a été retenu comme prioritaire par le ministère de la Culture et a fait l’objet d’une dotation spéciale. Ainsi, la restauration du buffet sera prise en charge à 100% par l’État. Quant à la reconstruction de la partie instrumentale (l’orgue lui-même), elle est estimée à plus de 1,6 millions d’euros et fait l’objet d’une dotation spéciale de 75 % par l’État (ce qui est unique).

 

Article original publié dans la Lettre de Chartres Sanctuaire du Monde (mars 2019)

 

* Philippe Lefebvre est titulaire des grandes orgues de la cathédrale Notre-Dame de Paris ; et ancien titulaire de celles de la cathédrale Notre-Dame de Chartres (1976 à 1985).

buffet du grand orgue de la cathédrale de Chartres © P. Frémont
console du grand orgue de la cathédrale de Chartres © L. Bouis
panneau droit de la console, avec le combinateur
sommier du clavier d’écho © A. Petitdemange
tuyauterie de l’écho © A. Petitdemange
signature de Robert Filleul, 1546 © JM Cicchero
signature de Robert Filleul, 1546 © JM Cicchero
signature de Robert Filleul, 1546 © JM Cicchero
© Pk Delabre
© A. Petitdemange
© A. Petitdemange
© A. Petitdemange