La cathédrale, au fil du temps, continue de fasciner – voire d’interroger. De nombreux architectes expliquent comment leur vision – personnelle – procède de ‘chocs esthétiques’, au regard des réalisations du passé.
Chartres est parmi les édifices fréquemment cités, notamment pour la réflexion qu’elle peut susciter quant au rapport volume / paroi : dématérialisation de l’espace, dont on pourrait sentir dans l’architecture gothique les premières velléités. Philip JONHSON est unanimement considéré comme l’une des figures majeures de l’architecture post-moderne, jouant, au fil de sa carrière, un rôle de précurseur – à la fois théoricien et praticien. Il fut le premier lauréat du prix Pritzker, ‘nobel’ des architectes, en 1979, le jury reconnaissant ainsi sa contribution déterminante aux évolutions de l’architecture durant la deuxième moitié du XXe siècle. Aux yeux de JONHSON, rien n’éclaircit autant l’esprit que la Cathédrale de Chartres et le Parthénon d’Athènes. Extraits d’interview.
« Tu es bouleversé par quelque chose, mais tu ne sais pas que tu l’es. Tu es convaincu que c’est ainsi pour tout le monde. Je ne vois pas comment quiconque peut aller dans la nef de la cathédrale de Chartres et ne pas fondre en sanglots. En réalité, je crois, c’est ce que tout le monde devrait faire. C’est une réaction normale que j’ai eu.
Cela et le Parthénon – l’un en 1919 et l’autre en 1928 – m’ont fait réaliser que je devais être dans l’architecture, d’une façon ou d’une autre. Ce genre d’évènement était une conversion Saül/Paul, avec le sentiment qu’il me déterminait à jouer un rôle en architecture. Alors j’ai rejoint le Musée d’art moderne de New York, j’ai lancé le département d’architecture et travaillé là pendant quelques années en écrivant un livre. Quand je suis allé à Harvard, j’étais déjà connu dans l’école (…)
À quel âge suis-je allé à Chartres ? Treize ans. Je crois, mon Dieu, que si un gamin comme moi a pris tellement de plaisir, cela ne devrait pas apparaître comme quelque chose… d’étrange. Ma mère non plus ne trouvait pas cela étrange. Elle était intéressée par l’art, elle m’a pris avec elle, en France durant les années du traité de Versailles. Je me souviens m’être dit – et j’ai plus tard écrit dans des lettres – que, si j’avais vécu à Chartres, je serais passé à l’église catholique romaine pour profiter de cette cathédrale et que si, par ailleurs, je m’étais converti à l’église catholique romaine, je serais venu habiter à Chartres. Car, autrement, comment pourrais-je exister sans avoir une totale proximité avec quelque chose de si particulier…
J’ai vu le Parthénon en 1928. Alors, j’en connaissais plus à propos de l’architecture et de l’histoire, mais la présence tangible de ces pierres était entièrement différente que dans les livres. (…) Mais d’être là sur cette colline, avec les autres collines autour de toi, et se tenir debout avec ces pierres presque sous la main – puisqu’elles sont nombreuses à être tombées – voilà une expérience qui ne saurait être dépassée que par Chartres ».