
On a l’habitude, à propos de la grande relique mariale, de signaler son arrivée à Chartres en 876 et d’affirmer qu’elle n’a plus quitté la cathédrale depuis cette date. Il faut apporter quelques nuances…
Le Voile a été conservé à Lourdes pendant la seconde guerre mondiale. Enfin, on apprend, au travers du registre capitulaire, tenu par les chanoines de la cathédrale et conservé aux archives historiques du diocèse de Chartres, qu’il a également été ‘protégé’ à Paris durant la première guerre mondiale.
Le Voile de la Vierge, 1905-1918
« Le jeudi 24 mars 1927, veille de la fête de l’Annonciation, vers 5h00 du soir, dans la chapelle mortuaire des Évêques, Monseigneur, accompagné des vicaires généraux, du Chapitre, des secrétaires de l’évêché, du maître des cérémonies, du clergé de la cathédrale, des professeurs de la maîtrise, des archiprêtres de Nogent-le-Rotrou, de Dreux, de Châteaudun, de l’archiviste diocésain, de M. Étienne Houvet et de deux sœurs de la maison bleue, a procédé à l’ouverture de la Sainte Chasse pour mettre le très précieux Voile de la Sainte Vierge dans la Monstrance qui doit l’exposer aux yeux des fidèles pendant les Fêtes Mariales.
La Sainte Chasse est ouverte – lecture du dernier authentique – les différentes parties du Saint Voile – l’étoffe orientale dite de l’Impératrice Irène – la pièce de soie blanche qui protège le Saint Voile. Monseigneur baise le Saint Voile et le fait baiser à tous les assistants. Le Saint Voile est photographié par MM. Delaporte et Houvet. La grande pièce du Saint Voile est seule disposée dans la Monstrance par Monseigneur ; la partie plus petite est remise dans le coffre de cèdre qui le renfermait. Le reliquaire [donné par Mlle de Byss en 1849] a besoin de réparations. Elles seront faites par la maison Poussielgue de Paris.
La Monstrance, refermée et cachetée est posée entre quatre cierges allumés. Encensement par deux coups de la Sainte Relique. Prière. Ave Maris Stella. Ave Maria. Oraison.
La Monstrance est renfermée dans la tour de la chapelle mortuaire qui regarde la maîtrise, en attendant les Fêtes Mariales, pendant lesquelles elle sera exposée à la cathédrale.
Le Saint Voile sera visible pour tous depuis le 31 mai jusqu’au 7 juin. »
« Note : En 1905, à l’approche des Inventaires, précurseurs de la Séparation (ou spoliation), le Saint Voile, du consentement du chapitre, fut enlevé de la cathédrale et caché. On laissa croire qu’il avait été porté chez les carmélites réfugiées en Hollande. En réalité, la chasse de Mlle de Byss était restée à l’évêché mais les coffrets intérieurs qui renfermaient la Sainte Relique, avaient été confiés à M. Lefébure, de Boissy-le-sec (aujourd’hui Boissy lès Perche). Le digne châtelain conservait la précieuse Relique dans son hôtel à Paris, pour la rendre quand les temps seraient devenus meilleurs.
Mais pendant la guerre franco-allemande de 1914, lorsque les Prussiens, avec deux canons à longue portée purent lancer des bombes sur Paris, un obus tomba sur la demeure de M. Lefébure, traversa l’immeuble de haut en bas mais la chambre où était la Sainte Relique ne subit aucun dommage. Monseigneur Bouquet, averti que le précieux dépôt, à cause du bombardement, n’était plus en sûreté, l’envoya chercher par M. le chanoine Havard, responsable du grand séminaire. Le Saint Voile, rapporté à l’évêché de Chartres, fut remis dans la châsse de Mlle de Byss, où il attendit en secret le jour où, toute menace semblant écartée, il put revenir à la cathédrale, il y a quelques années, et être exposé, en quelques fêtes, à la vénération du clergé et des fidèles. Le très ancien usage de l’exposer sur l’autel pendant la Grand Messe aux principales fêtes n’a pas encore été repris. »
Une page méconnue… Le voile de la Vierge pendant la guerre 39-45
Sous la plume de Jean-Marie Lester (Écho républicain – 1976)
En juin 1940 (erreur typographique corrigée concernant l’année), le clergé de la cathédrale ne voulait pas qu’il arrive malheur au voile pendant les tourments de la guerre. M. le chanoine Fessler, archiprêtre et M. l’abbé Lefeuvre, vicaire, firent confectionner une boîte protectrice où il leur fut possible d’y déposer le coffret de cèdre enchâssé dans le reliquaire, autre que la Monstrance. Ces deux prêtres partirent de Chartres en compagnie de M. l’abbé Bouard et allèrent en Normandie pour y laisser ce dernier. Tous deux firent route sur Mondoubleau, Fougères, Billet, un endroit où les allemands étaient exactement à 20 km au nord.
À Ancenis, ils passèrent la Loire puis s’installèrent avec la relique durant une semaine au grand séminaire de Luçon, en Vendée. Ils atteignirent Bergerac et c’est en cours de route qu’ils décidèrent d’aller à Lourdes et de confier le reliquaire du voile de la Vierge au chapelain de la basilique. Ils restèrent vingt jours à Lourdes et rentrèrent pour célébrer le 15 août à Chartres, après avoir rendu compte de leur mission à Monseigneur Harscouët.
L’auteur affirme également que plus tôt – suite à la déclaration de guerre, soit probablement en mai 1940, la relique a été hébergée par le monastère de Solesmes, ce que lui ont confirmé Dom Pierre Rullon et Dom Jacques Hourlier.
On découvre ainsi que cette précieuse relique a suivi le même itinéraire que les français de l’exode – ce qui ne manque pas d’être émouvant, comme s’il témoignait ainsi d’une solidarité avec une population en désarroi.