par Philippe Cavart,
avec l’aimable autorisation de Chartres Sanctuaire du Monde

plateau de desserte sur les escaliers du porche nord © CSM – P. Cavart

Depuis la fin septembre 2021, le transept sud est fermé aux fidèles et aux visiteurs. Les chaises ont été enlevées, et les échafaudeurs ont pris possession des lieux pour préparer le chantier très attendu de la restauration des voûtes et des vitraux du transept. Tout comme pour le chœur (2010) et la nef (2014), c’est la société Europe Échafaudage qui a été choisie pour cette phase essentielle à la réalisation de cette opération d’envergure.

Le transept sud encombré © CSM – P. Cavart

Créée il y a 20 ans, la société basée dans l’est de la France s’est taillé une solide réputation dans le cercle très fermé de tous ceux qui œuvrent à la préservation des monuments historiques. Europe Échafaudage a notamment travaillé pour le Louvre, les cathédrales de Strasbourg, Metz, Bordeaux, de Soissons, le pont transbordeur de Rochefort, le château de Villers Cauterets et, chantier suprême, pour Notre-Dame de Paris.

« UN MÉTIER MÉCONNU »

Mehdi Porcq, chef de chantier pour les échafaudages du portail sud, occupait auparavant la même responsabilité pour Notre-Dame de Paris, pour laquelle il a travaillé pendant deux ans : « C’est nous qui avions monté les échafaudages tant montrés après l’incendie, et c’est nous qui les avons démontés dans des conditions extrêmes, compte tenu de l’action des flammes sur le métal. Cela a nécessité un travail chirurgical ».

TELS DES COMPAGNONS BÂTISSEURS

Chez les échafaudeurs, les équipements de sécurité sont omniprésents : casque, chaussures, vêtements, harnais, dès qu’il s’agit de grimper vers les parties hautes.
« Nous sommes aussi équipés de talkie-walkie pour échanger entre nous et ne pas troubler la quiétude de certains lieux dans lesquels nous évoluons », précise Mehdi Porcq. Le groupe Europe Échafaudage emploie une trentaine de salariés à temps complet, mais a souvent recours à des intérimaires en fonction des chantiers. Tels des compagnons et les bâtisseurs du Moyen Âge, ils vont de chantier en chantier, délaissant famille et amis, pour poser leurs valises dans les villes qui les appellent.

120 TONNES DE MATÉRIEL !

À Chartres, une dizaine de professionnels ont été nécessaires à la pose des échafaudages. Pour le transept sud, les opérations de montage ont débuté le 25 septembre 2021 et ont duré sept semaines. « Pour ce chantier, la première difficulté a été d’acheminer le matériel avec nos camions vers la cathédrale. Nous sommes dans une zone touristique, en plein cœur de la ville avec des espaces limités. Il nous a fallu déterminer un itinéraire précis et des horaires adaptés », raconte le chef de chantier.

Sept semi-remorques ont été utilisés pour transporter quelque 120 tonnes de tubes, de passerelles, de ponts et de plates-formes. Le record de la société est d’avoir mobilisé 1600 tonnes de matériels pour Notre-Dame de Paris ! À Chartres, et pour permettre le transport de la structure vers le transept, une plate-forme a été aménagée sur les marches du parvis sud. À partir de là, le matériel a été hissé sur la plate-forme, puis acheminé grâce à des transpalettes vers l’intérieur de l’édifice. Un système de poulies électriques a ensuite permis, au gré de l’évolution de la structure, de soulever les différents éléments au plus près des voûtes et des vitraux.

« PRENDRE LE TEMPS DE BIEN POSITIONNER LA STRUCTURE »

Pour chaque chantier, le procédé est immuable et mérite une attention extrême. Un dessinateur, spécialisé dans ce type de structure, s’imprègne de l’édifice, prend les cotes et les mesures de la partie visée par les travaux de restauration. La structure de l’échafaudage est dessinée par ordinateur, en trois dimensions, et se décline aussi sur des plans papier que le chef de chantier est amené à consulter en permanence.

La croisée des transepts © CSM – P. Cavart

La croisée des transepts © CSM – P. Cavart

« La phase qui demande le plus d’attention est l’implantation de l’échafaudage ». Pour le chef et son équipe, il faut prendre le temps de bien positionner la base de la structure, sur une surface qui peut parfois révéler des différences de niveaux insoupçonnées à l’œil du néophyte. De ce travail dépend la suite du chantier et sa réussite. Rien ne doit être laissé au hasard. En vingt ans de métier, Mehdi Porcq assure n’avoir jamais été confronté au moindre problème. À l’entendre, tout est affaire d’expertise et d’expérience : « tout est dans l’implantation de la structure ». Dans son métier et plus particulièrement pour les opérations propres aux cathédrales, l’un des moments forts est cette phase, où les deux parties d’un échafaudage, montées de part et d’autre d’une nef ou d’un transept, se rejoignent sous les voûtes. À partir de là, les restaurateurs peuvent prendre possession des lieux, après avoir gravi des échelles sécurisées, et évoluer en toute quiétude en oubliant le vide qu’ils surplombent.

« NOTRE-DAME DE CHARTRES EST UN MONUMENT SOMPTUEUX »

« Pour le transept sud, la hauteur de l’échafaudage est de 28 mètres ». Pendant cette phase de chantier à Chartres, les équipes auront aussi dressé un échafaudage extérieur sur le portail sud, nécessaire à une prise en compte complète des verrières qui seront déposées depuis l’intérieur. Elles reviendront courant 2022 pour opérer un démontage complet de la structure, qui leur demandera deux fois moins de temps que le montage. Au-delà de la prouesse technique, et de ce savoir-faire unique, on ne peut être échafaudeur de monuments si l’on n’est pas imprégné du lieu dans lequel on œuvre.

Les échafaudeurs de Chartres, une profession méconnue mais déterminante dans cette grande œuvre permanente qu’est la restauration et la préservation de Notre-Dame de Chartres.

 

Article original publié dans la Lettre de Chartres Sanctuaire du Monde (décembre 2021)