© extrait ouvrage de Clerval, la Maîtrise

Notre connaissance de la Maîtrise ancienne de la cathédrale repose essentiellement sur l’ouvrage de l’abbé Clerval : « L’ancienne Maîtrise de Notre-Dame de Chartres du Ve siècle à la Révolution », Paris, 1899.

Origines
De tout temps, on a recherché des voix harmonieuses pour chanter la gloire de Dieu et tout naturellement, des écoles se sont créées à proximité des églises pour enseigner le chant : ce sont les ancêtres des Maîtrises.

À Chartres, comme dans de nombreuses paroisses cathédrales, se crée dès saint Lubin (VIe siècle) une école cléricale de 72 jeunes enfants consacrés à Dieu par leurs parents ou choisis par les évêques pour leur vertu et leur talent. Ils y étudient les lettres mais y apprennent aussi à chanter les louanges de Dieu, participer aux cérémonies et étudier.

En 1127, la musique chartraine étant complexe, un groupe va se désolidariser de l’école épiscopale et s’adonner prioritairement au chant : la Maîtrise est née. Composée de 6 enfants à sa création, elle n’en comptera jamais plus de 12.

Organisation
Les enfants entrent à la Maîtrise vers 7 ans et en repartent vers 17 ans.
Un maître à l’origine, puis deux maîtres ensuite, s’occupent d’eux : un maître de grammaire qui perdra sa prépondérance à la fin du XVe siècle au profit du maître de musique. Le premier maître de musique est Jean de Santander ; le dernier avant la Révolution sera Pierre Desvignes.

Du XIVe au XVIe siècle, les petits maîtrisiens, qui doivent habiter ensemble, changent au moins 7 fois de lieu de résidence jusqu’à ce qu’en 1545, ne soit acquise une maison dans laquelle ils resteront jusqu’à la Révolution et qui existe encore, près de la porte de l’Officialité (donnant rue des Lisses).
La maison se compose de :
      – un dortoir transformé en cellules individuelles en 1773
      – une cuisine
      – une salle d’étude
      – un cabinet
      – une infirmerie
      – une chambre pour le maître de musique
      – quelques chambres pour la servante, les musiciens de passage, …

Les maîtres de musique sont recrutés avec soin par concours. Ils peuvent venir de très loin et sont parfois des compositeurs connus comme Nicolas Bernier (1664-1734).

Les maîtrisiens, selon les époques, apprennent le chant, la composition et un instrument : l’orgue reste l’instrument principal, puis dès 1655 on introduit le serpent et le basson ; la contrebasse peine à s’imposer à la fin du XVIIe siècle et le violon fait une apparition timide au XVIIIe siècle.

Le costume des maîtrisiens
Le costume religieux des jeunes maîtrisiens, qui sont rasés à toutes les grandes fêtes, se compose de :
      – une soutane
      – par-dessus, une aube (c’est la raison pour laquelle ils sont dits « enfants d’aubes » dans certains textes) qui, en 1572 remplace le surplis
      – une ceinture pour resserrer l’aube à la taille
      – dès le XVIe siècle, un camail lorsqu’il fait froid
      – un petit chapeau rond (capelli) puis carré (birreta)

© Médiathèque de Chartres

L’emploi du temps des maîtrisiens
La journée des maîtrisiens commence à 4h. Les enfants assurent le service liturgique du jour, installés dans le chœur de la cathédrale :
      – mâtines
      – laudes
      – prime
      – la messe de Beata
      – la messe d’Obit
      – la messe capitulaire
      – sexte
      – nones
      – vêpres
      – complies

À ces services il convient d’ajouter des cérémonies spécifiques à des fêtes ou des moments particuliers.
Les moments d’étude des maîtrisiens s’intercalent entre les différents moments consacrés à la liturgie : le matin plutôt le latin, le martyrologe et la catéchèse ; le soir surtout la musique. Leur emploi du temps leur laisse toutefois quelques loisirs qu’ils occupent en jouant aux quilles, aux boules ou au jeu de paume. Un beau jardin est mis à leur disposition et chaque jeudi, ils font une sortie en ville, à moins qu’une cérémonie liturgique ne requière leur présence.

Mort de la Maîtrise
La Révolution supprime le Chapitre cathédral le 25 décembre 1790.
Le 8 janvier 1793, la municipalité met en regard les dépenses et les recettes de la Maîtrise, et devant le déficit annoncé, décrète sa suppression dans les conditions de prise en charge antérieures. Le logement du maître de musique est vendu, ainsi que le linge et les malles de la maison de la Maîtrise.
Le 15 novembre 1793, la cathédrale devient le Temple de la Raison et la Maîtrise n’a plus lieu d’exister.

Renaissances
Le Concordat de 1801 (26 messidor an IX) spécifie dans son article 1 : que « la religion catholique, apostolique et romaine sera librement exercée en France ». La Maîtrise renaît alors… pour disparaître à nouveau en 1969 sous l’épiscopat de Monseigneur Michon.
Mais le Père Hercouët, recteur de la cathédrale, la rétablit avec succès en 1980.