« Un fin limier »

un piqueur © NDC, fonds Gaux

Dans la chasse à courre, la première phase de l’entreprise consiste donc à déterminer qui sera le héros de la journée. Pour cela la « quête » est organisée dès la veille au soir afin de repérer les bêtes dignes d’intérêt. Elle est effectuée par les « valets des limiers » qui se livrent à un premier repérage dans les bois. Elle est reprise au petit matin par les piqueurs qui localisent alors avec précaution les « enceintes » où se tiennent les bêtes, afin que le maître d’équipage puisse faire un choix définitif. On ne court qu’un seul animal par chasse, et le même du matin au soir, quelles que soient les péripéties.

Le limier – de ‘liem’, lein – est un chien en laisse. « Il ne doit pas être un chien comme les autres. Sa première qualité est d’être haut de nez, mais il doit également être obéissant et secret, c’est-à-dire ne donner de la voix, et encore de façon discrète, qu’à bon escient ». Mais c’est son maître qui utilisant différents indices (traces au sol, branches froissées, etc.) détermine, sans l’avoir vu, la nature, l’emplacement et même l’âge de l’animal à traquer. Le limier au bout de sa laisse lui sert pour ainsi dire de ‘pifomètre’ avancé.

On trouve quelques limiers, ainsi que les serviteurs qui les dressent, dans la chasse de saint Eustache.

[D’après ‘La puce à l’oreille’ Claude Duneton]

« Trier sur le volet »

Gédéon et le thérébinthe, portail nord © NDC

On sélectionne les pommes, les pêches, les arbres, les chevaux, les veaux – parfois les étudiants. La sélection n’a pas bonne presse. Pourtant, on n’accepte des mains d’experts que des marchandises dûment triées sur le volet. Il faut attendre une récente directive européenne pour que les carottes tordues et autres navets dissymétriques soient à nouveau autorisés à la vente.

Triés sur le volet ? Quel volet ? Le volet était au Moyen Âge une sorte de voile, étymologiquement un tissu qui « volette » au vent et par extension un tamis destiné à trier les graines – peut être parce que la vieille méthode de vannage consistait à faire sauter les graines au vent sur une toile, ce qui s’appelle aussi « berner ». Au XVe siècle, le volet était une assiette de bois, ustensile de cuisine sur lequel on triait patiemment les pois et les fèves. Au XVIe siècle, on trouve déjà l’expression figurée dans Rabelais : « esleus (élus) choisis et triés comme beaux pois sur le volet ».

Gédéon qui vanne le blé, aux voussures du portail nord, rappelle ce ‘tri’ qui se déroulait ainsi au gré du vent…

[D’après ‘La puce à l’oreille’ Claude Duneton]

« Conter fleurette »

fils prodigue © NDC, fonds Gaux

Au Moyen Âge filles et garçons jouaient beaucoup avec les fleurs. Ils folâtraient par bandes aux bois, aux prés, cueillant les roses, le muguet, la violette. Ils se couvraient de fleurs. Le roman de la rose, celui de Jean de Meung, vers 1280, parle de ces joyeuses virées horticoles :

« Toutes herbes, toutes florettes / que valetons (jeunes gens) et pucelettes / vont au printemps es gauz (bois) cueillir / que florir voient et feuillir ».

Le grand jeu d’ailleurs consistait à se tresser mutuellement des couronnes autour de la tête, des diadèmes de roses que l’on appelait « chapeaux » ou en diminutif « chapelets ». C’est l’habitude d’orner aussi les statues de la Vierge de ces « rosaires » qui a fini par transformer le « chapelet » en outil à prières ! « Je veuil cueillir la rose en may / et porter chappeaux de florettes / de fleurs d’amours et violettes » dit un auteur du XIVe siècle. Jean Renart, en 1228, vantait le charme de : « ces pucelles en cendez (soie légère) / à chapelez entrelardez / de biaux oisiaux et de floretes / lor genz cors (beaux corps) et lor mameletes / les font proisier (priser) de ne sais quanz ».

On voit bien à ce dernier extrait que ces jeux de couronnes n’étaient pas entièrement innocents et cachaient probablement, sous un aspect prétendument bucolique et amusé, quelques entreprises de séduction plus poussée, voire des amours physiques entre jeunes gens, qui s’échappaient ainsi du contrôle villageois, à l’écart des habitations. On lit dans Furetière : « fleurette, se dit au figuré de certains ornements du langage ou des galanteries et des termes douceureux dont on se sert ordinairement pour cajoler les femmes… Il conte fleurettes à cette dame ; c’est-à-dire il luy fait l’amour ». Faire l’amour n’a assurément pas chez Furetière le sens que lui donnera le XXe siècle. Mais il peut néanmoins contenir cette nuance, de façon sous-entendue.

On voit le sens qu’il faut donner à cette couronne de fleurs, qu’arbore le fils prodigue lors de son séjour chez les prostituées. Le vitrail, faut de pouvoir montrer, suggère…

[D’après ‘La puce à l’oreille’ Claude Duneton]

un piqueur © NDC, fonds Gaux
Gédéon et le thérébinthe, portail nord © NDC
fils prodigue © NDC, fonds Gaux