Tandis qu’est édifié le portail royal et que sont réalisées les trois grandes fenêtres de la façade occidentale, la cathédrale – ou l’abbaye Saint-Père-en-Vallée, en basse ville – produisent également plusieurs manuscrits dont le décor est à l’égal de la sculpture et de l’art verrier : un sommet artistique.
L’un de ces manuscrits a fait l’objet d’un précédent article (1/5). Un autre manuscrit, aujourd’hui conservé à la médiathèque de l’agglomération troyenne a probablement appartenu à deux lecteurs prestigieux. Le commanditaire de cette Bible, cotée 458, serait Thibaut II de Champagne (Troyes), qui était également comte de Meaux, de Blois, de Châteaudun… et de Chartres. Thibaut II l’aurait offert à son ami Bernard de Clairvaux. Plusieurs spécialistes ont suggéré que certaines annotations qui y figurent seraient d’ailleurs de la main même de saint Bernard. Cette Bible figura par la suite dans la bibliothèque de l’abbaye de Clairvaux.
L’origine chartraine a été affirmée par Patricia Stirnemann, chercheuse à l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes, qui a fait le rapport avec plusieurs ouvrages déjà répertoriés. Cette bible comporte deux tomes (le premier avec la Genèse et les petits prophètes) et paraît avoir été écrite entre 1140 et 1155.
Les lettres ornées utilisent plusieurs motifs dont les plus courants sont le rinceau et le dragon. Les feuilles sont fréquemment inspirées de l’acanthe. Pour certaines lettres, en tête d’un livre biblique, on a également représenté des scènes tirées du récit.
« Pour réaliser leurs œuvres, les peintres enlumineurs utilisent des pinceaux formés de quelques poils de bœuf, de martre ou d’écureuil, des chiffons pour essuyer pinceaux et plumes, des mortiers pour y écraser les pigments qui allaient entrer dans la composition des encres. L’encre rouge a pour base un oxyde de plomb, le minium. L’encre noire s’obtient par dissolution de noir de fumée ou d’autres carbones dans l’eau. L’encre noire dite métallo-gallique mélange des solvants, tel le vitriol, et des tannins végétaux, telles les galles du chêne. L’encre bleue est obtenue en broyant une pierre importée d’Asie centrale, le lapis-lazuli ; l’encre verte à partir d’une pierre d’un vert vif, la malachite.
Les plus anciennes couleurs proviennent des terres, tel l’argile qui fournit des ocres, tel le kaolin ou argile blanche qui réduit en poudre peut se mélanger avec un autre pigment. Mais généralement, les couleurs ne se mélangent pas. La peinture se fait ton sur ton, lorsque la couleur précédente est sèche. Parfois, les enlumineurs collent une fine feuille d’or avant de peindre. Dans ce cas, comme pour les encres et les couleurs, l’ajout d’un liant est indispensable pour que la peinture adhère à la surface du parchemin. Il peut être la gomme arabique, tirée d’un arbre, l’acacia d’Arabie, l’albumine ou blanc d’œuf ou la colle de poisson » – Dossier pédagogique / Académie de Reims
Sélection des plus belles lettres :