En 1824, Antoine Pierre Marie Gilbert s’en prend aux dernières maisons médiévales, construites au pied de la nef. L’époque vise déjà au dégagement des édifices anciens.

Considérés à l’égal des œuvres d’art : en présentation dans les musées – sur piédestal.  Ce texte est révélateur d’une progressive ‘objectivation’  de la cathédrale. Le XIXe siècle cherche à valoriser à tout prix  le ‘monument’, objet de fierté locale, sans égard pour les habitudes qui avaient cours au moment de son édification.
Ce mouvement conduira à terme à la destruction des bâtiments occupant  l’actuel parvis ouest.

« Au bas des piliers boutans, contre les murs latéraux de la nef, du midi et du septentrion, sont adossées de misérables bicoques, dont l’aspect hideux dépare l’aspect extérieur de ce bel édifice. Il serait à souhaiter qu’on s’empressât de faire disparaître ces baraques ; leur démolition, désirée depuis longtemps, n’a pu être retardée que par des motifs d’un bien faible intérêt ou par insouciance. Enfin, nous formons des vœux pour que ce beau monument soit isolé de tout ce qui le dérobe à l’admiration des amateurs».

1856 – Le dégagement de la cathédrale

Un texte inédit, qui n’est pas sans soulever d’intéressants débats. Voici comment la municipalité de Chartres, au milieu du XIXe siècle, justifiait la destruction des bâtiments jouxtant la cathédrale : l’évolution des structures sociales d’ancien régime, soit la disparition du chapitre Notre-Dame ; et la reconfiguration de son  emprise territoriale, le cloître Notre-Dame.
Que sous-entend la phrase : « L’appréciation de la magnificence des  grands édifices est bien différente de ce qu’elle a dû être » ? Sans doute l’auteur évoque-t-il, sans la conceptualiser de façon aussi abstraite, la monumentalisation du patrimoine. Le XIXe siècle se caractérise comme l’époque qui bâtit aux extrémités des perspectives et au-dessus des emmarchements : statues des grands hommes, stèles commémoratives et musées des Beaux-Arts. Il faut attendre le XXe siècle pour passer au premier plan le rôle du contexte : un lieu inséré dans un tissu urbain, témoignant de sa fonction religieuse prééminente au cœur de la cité.

Archives municipales de Chartres.
Procès-verbaux du Conseil municipal. Séance du 14 novembre 1856.
Projet d’établissement d’une place et d’une grande rue en face la Porte royale de la Cathédrale. Extrait de l’exposé du maire.

« Des travaux de nivellement et de macadamisage viennent de remplacer dans le cloître Notre-Dame un pavé inégal… Cette amélioration utile pour la circulation fait sentir aussi… la nécessité de dégager les abords de la Cathédrale en face l’entrée principale de manière à donner aux habitants comme aux étrangers la facilité d’admirer la beauté du monument qui fait la réputation de la ville, d’étudier les détails de sa composition, de son architecture et de laisser à cet édifice le moyen de développer toute sa splendeur aux regards du spectateur. Je viens donc vous proposer de décider qu’une place et une rue d’une largeur convenable seront établies en face la porte royale et que cette rue sera prolongée jusqu’à la rue Ste Même…

Un regard rétrospectif nous fait connaître au besoin de quelle manière les alentours des monuments religieux, isolés du moment de leur construction, se sont successivement trouvés resserrés par les habitations… C’est à l’exercice du droit de propriété dont a usé le Chapitre pendant des siècles qu’il faut attribuer la nécessité de faire disparaître la plupart des constructions qui comme une ceinture paraissent comprimer le monument de la Cathédrale par sa base. L’on se rend facilement compte que l’obligation pour le clergé d’assister aux offices… l’ont déterminé jadis à resserrer le vaste espace qui était en avant de l’Église pour le couvrir d’habitations occupées par des personnes religieuses. Cet état de choses a été détruit par le temps et les circonstances ; la propriété du Cloître a passé dans d’autres mains que dans celles du Chapitre et l’appréciation de la magnificence des grands édifices est bien différente de ce qu’elle a pu être. C’est pour entrer dans cette nouvelle voie qui est aussi l’expression d’un sentiment public assez répandu parmi les habitants de la cité chartraine que j’ai regardé comme opportun de provoquer de votre part une décision favorable au projet que je vous soumets et qui procurera à la ville un embellissement qu’elle réclame… ».