Cadrans solaires, horloges astrolabiques, et bien plus encore, le temps entier est représenté dans la cathédrale, du porche nord au porche sud, de la création du Monde au Jugement dernier, de l’Alpha à l’Oméga…
Comment le temps est-il mesuré dans la cathédrale, comment est découpée la journée
…?
Extrait d’une conférence du Cycle thématique-Printemps 2023 du Service Accueil & Visites de la cathédrale.

L’horloge astrolabique

Et l’année ? Elle vient d’un mot latin, qui signifie « anneau », tour complet.
L’année est une unité de temps majeure, avec un cycle végétal complet. En 3000 av JC, les Égyptiens avaient déjà établi un calendrier presque identique au nôtre. L’année était cependant trop courte d’un quart de jour. Écart insignifiant, mais qui augmentait d’année en année… C’est Jules César qui décida de réformer le calendrier, en 46 av JC, d’où le nom de calendrier Julien. L’année commence au 1er janvier ; Jules César instaure l’année bissextile, tous les quatre ans, 2 fois le sixième jour (bis-sextile) avant les calendes de mars. Pour un rattrapage d’un quart d’heure en moins chaque année. C’est une véritable révolution, d’une efficacité remarquable ! Pendant 16 siècles l’Europe vivra à l’heure du calendrier julien.
Mais l’année est encore trop longue de quelques secondes. Au XVIe siècle sera instauré le calendrier grégorien, du nom du pape Grégoire XIII. Dans la bulle pontificale « inter gravissimas » signée le 24 février 1582, il décide de retrancher 10 jours du calendrier. Il s’appuie sur les travaux des astronomes et tient à réaffirmer le pouvoir de l’Église sur le temps. Par décision pontificale, à Rome, le jeudi 4 octobre 1582 est suivi du vendredi 15 octobre 1582.
En Russie, c’est la révolution bolchévique de 1917 qui met fin au calendrier Julien.
Le calendrier grégorien est aujourd’hui la référence mondiale universelle.
Au Moyen Âge, c’est encore le calendrier Julien qui est de rigueur.

Mais comment mesure-t-on le temps… ?

L’horloge astrolabique ou astronomique date de 1407 environ. À Chartres, elle a été insérée dans le tour du chœur au début du XVIe siècle, et restaurée en 2008.

Même la maison de l’éternel est soumise au temps terrestre. Un temps plus que précieux… la cathédrale de Chartres possède l’une des plus anciennes horloges astrolabiques de France, insérée dans l’une des travées sud du tour de chœur. Très rares au Moyen Âge, elles étaient l’œuvre de scientifiques de grand talent.
On ne sait pas qui a fabriqué celle de Chartres, mais elle constitue avec celle de Bourges (1424), les deux seuls exemplaires de ce type, conservés et connus au monde.

L’horloge astrolabique de Bourges (1424) est, avec celle de Chartres, l’un des deux seuls exemplaires de ce type, conservés et connus au monde.

Du tout début du XVe, il en était fait mention en 1407 dans une délibération capitulaire du chapitre de la cathédrale. Sa présence était une façon pour le chapitre de montrer qu’ils étaient à la pointe du progrès. Mais aussi utilité liturgique pour les fêtes qui varient en fonction du cycle de la Lune, comme Pâques. Au Moyen Âge, la mesure du temps était essentielle, notamment pour l’organisation de la vie religieuse.

Les premières horloges mécaniques ne comportent qu’une seule aiguille, celle de l’heure. Mais l’horloge astrolabique ne se contente pas de fournir l’heure : elle reproduit aussi le mouvement annuel du Soleil et celui de la Lune.

En effet, vus de la Terre, deux grands cycles des astres s’imposent aux humains, qui les observent : celui de la Lune et celui du Soleil.

Le calendrier lunaire prend comme base le mois. Chaque mois commence par un premier quartier, qui revient environ tous les 29 jours et demi.
Le calendrier solaire prend comme base les saisons. L’année pendant laquelle la Terre fait un tour complet autour du Soleil, marqué par deux équinoxes et deux solstices, quatre saisons. Il y a un décalage de 11 jours entre l’année lunaire et l’année solaire.
Ce type d’horloge permet donc aussi de déterminer la date de Pâques et celle des éclipses. Elle trahit aussi un intérêt certain des chanoines pour l’astronomie.

Ptolémée est présent avec l’astronomie, un des arts libéraux au portail Royal. Intérêt confirmé par les nombreuses représentations des zodiaques dans la cathédrale, en particulier le vitrail du Zodiaque, face à l’horloge.

L’horloge astrolabique est présentée dans un médaillon de pierre sculptée. Le cadran est porté par deux anges ; un troisième, brisé, saisissait le cadran par-dessous. Au-dessus du médaillon, la travée est ajourée. La restauration de la polychromie a permis de lui rendre son éclat passé. Une polychromie soignée, où l’on observe le défilement des phases de la Lune et les signes du zodiaque – voici notre cinquième zodiaque.
Le cadran indique :
– les 24 heures du jour,
– le jour lunaire,
– les signes du zodiaque peints sur un disque indiquant la marche du soleil dans l’elliptique.

tour du chœur, Chartres

Tour du chœur, cadran de l’horloge © A. Gouache

À l’arrière, un jeu de pignons et de roues dentées transmettait la force motrice aux cadrans. À la voûte de la niche étaient suspendues des clochettes, que le mécanisme faisait carillonner.
La complexité de ce mécanisme impliquait un entretien régulier. Il nécessitait de tels réglages que dès le milieu du XVIIe, il devint difficile de trouver un spécialiste pour en assurer l’entretien.
Le mécanisme fut donc délaissé, avant d’être en grande partie détruit en 1793. Le bronze des clochettes fut transformé en canon, et le fer du mouvement de l’horloge employé à forger des piques.
Le cadran mesure 1,05 m. Il est constitué de quatre plaques indépendantes, assemblées sur un axe central, en alliage de cuivre.

1/ le cadran horaire indique les 24 heures séparées par des trèfles. Elle ne comporte qu’une seule aiguille pour marquer les heures.
2/ le cadran lunaire est orné d’étoiles or sur fond d’azur. Il est mobile et fait un tour en une journée lunaire. Il est percé d’un orifice pour voir.
3/ un cadran intermédiaire qui fait défiler les différentes phases de la Lune dans le ciel de Chartres.
4/ le cadran zodiacal montre le mouvement du Soleil et les signes du zodiaque. Ce disque intermédiaire est orné des noms et figurations des douze signes du zodiaque. Ces signes sont encadrés dans un arc de cercle de 30 degrés (12 x 30 = 360°). Pour savoir dans quel signe était le Soleil, il suffisait de voir quel était celui qui passait sous la grande aiguille de l’astre.
La ligne en arc de cercle fixée au cadran est l’horizon de Chartres.

L’horloge de Chartres était remise à l’heure manuellement chaque midi, à l’aide des cadrans solaires, et à partir du XVIIe à l’aide de la méridienne installée en 1701.

Restaurée en 2008, l’horloge astrolabique de Chartres, équipée d’un mécanisme électrifié, égrène à nouveau le temps depuis 2010. Cette restauration a permis de redonner vie à l’horloge, et de mieux se rendre compte des difficultés rencontrées par les réalisateurs, ainsi que leurs étonnantes capacités scientifiques et techniques.

Le pavillon de l’horloge

Une autre horloge côté Nord, qui date de 1392 (machine primitive construite en 1370 par Henri de Vic, et mise en sonnerie fin XIVe), a été abritée au pied de la tour Nord, dans le pavillon de l’horloge (pavillon construit par Jehan de Beauce en 1520 ; sa base ‘serait’ un réemploi du XIIIe).

Cette horloge fonctionnait alors avec le timbre, qui sonne les heures en haut du clocher neuf. C’est le timbre de cette époque qui sonne encore. Selon un article du 24 juin 1865 écrit par Adolphe Lecocq, archéologue (« Notice historique et archéologique sur les horloges de l’église Notre-Dame de Chartres », dans Mémoires de la société archéologique d’Eure-et-Loir, tome IV, Chartres, 1867, p. 284-340), deux dates sont gravées sur l’une des faces du châssis en bois qui contient les rouages : 1556 et 1576, et correspondraient à une horloge plus récente, du XVIe siècle. 
Un projet de remise en fonctionnement de cette horloge est à l’étude, mais nécessite d’électrifier le pavillon.

Les Cloches dans la cathédrale de Chartres

Il est impossible de parler du temps dans la Cathédrale sans évoquer les cloches. Elles donnent l’heure et ponctuent les événements dans le sanctuaire – les messes, les mariages, les enterrements.

Avant l’époque révolutionnaire, le clocher vieux comportait six cloches dont trois bourdons. Les plus gros s’appelaient Marie (15 tonnes) et Gabrielle (10 tonnes). Ses cloches ont servi, vers 1793-1794 à fondre des canons ou fabriquer des sous…
La Révolution n’a laissé que deux cloches dans le clocher neuf : « le timbre », toujours en place dans la lanterne qui donnait l’heure et servait de tocsin ; et une autre cloche pour les offices. Cette dernière disparut dans l’incendie du 4 juin 1836. L’incendie qui consuma toute la grande charpente, se propagea dans les beffrois des clochers vieux et neuf. Par chance il s’arrêta avant d’atteindre la lanterne, préservant le timbre qui continuait de sonner pendant l’incendie.

Quatre ans après l’incendie, deux nouvelles cloches sont mises en place en 1840, et quatre autres en 1845.
Actuellement le clocher neuf possède sept cloches : les six du XIXe, et le timbre.

La plus ancienne cloche aujourd’hui dans la cathédrale est le « timbre », qui sonne les heures avec comme note le LA.
Elle n’a pas de battant ; elle est frappée par deux marteaux en pierres sur la robe extérieure de la cloche. Pesant 5 tonnes, elle mesure 1,92 m de diamètre. Elle entra en fonction le 23 septembre 1520.

cloches, Timbre de l'horloge civile - cathédrale Notre-Dame de Chartres

Timbre de l’horloge civile – cathédrale Notre-Dame de Chartres

Le fondeur se nomme Pierre Savyet « fondeur de cloches et de canons pour la Marine » à Boulogne-sur-Mer ; il devait prendre pour modèle « la cloche de l’orloge du palais à Paris ».
Elle porte en relief, l’entrevue du camp du Drap d’Or où François 1er et le roi d’Angleterre Henri VIII firent alliance perpétuelle le 7 juillet 1520.

Depuis les années 1990, elle est frappée par deux marteaux commandés par un système électronique.
Bien avant, jusqu’en 1887, un seul marteau la frappait, mis en mouvement par une suite de tringles reliées au pavillon de l’horloge.

Découvrez-ici notre article présentant toutes les cloches de la cathédrale

 

Extrait d’une conférence donnée par Christine Afota et Georges Athanassiadis, guides au Service accueil & visites de la cathédrale, dans le cadre des Cycles thématiques (Printemps 2023).