Témoignage d’une guide de la cathédrale, Capucine SOUPEAUX. Un moment étonnant, évocateur d’une fracture de vie et de sa ‘profondeur’ spirituelle

« Je viens de terminer une visite de la crypte et raccompagne le groupe vers la sortie. Comme souvent lorsque je suis dans la crypte avec un groupe j’hésite beaucoup à rentrer dans des détails historiques, architecturaux ou de constructions tant le terrain est incertain et fait encore l’objet de grosses controverses. Je m’attache plutôt à dévoiler le sens des légendes qui courent, des pratiques et des croyances qui président à l’élaboration et la construction de ces différents lieux. De fait j’évoque l’histoire des chrétiens et la tradition chrétienne face à la vie et à la mort, face à la lumière (dans la cathédrale) et à l’ombre (ici sous terre).

Le groupe d’une trentaine de personnes monte l’escalier de pierres qui sort de l’église basse de Fulbert vers le soleil d’une belle après midi de fin d’été. Un couple semble attendre, laisse passer tout le monde, puis la dame s’approche de moi et avec une certaine émotion me dit :
« je dois vous remercier… »
Étonnée, j’écarquille les yeux, elle poursuit :
« Voilà… ce que vous avez dit tout à l’heure m’a fait beaucoup de bien, je vous remercie. Je suis venue aujourd’hui, avec mon mari parce qu’il y a 65 ans je suis née ici, dans la crypte, nous étions réfugiées au cours de bombardements… pour moi, cela a toujours été terrifiant de penser à ma naissance dans un trou noir. Mais après avoir entendu vos explications de la « vie » qui naissait dans le silence, dans l’ombre, dans le ventre de la terre, de l’absence de sépulture dans la cathédrale en l’honneur de la Vierge Marie qui est la vivante, je me sens réconciliée avec cette naissance et en paix ».

Nous échangeâmes encore quelques propos tandis que son bonhomme de mari nous écoutait avec un certain respect. Morale de cette rencontre… Je n’avais rien inventé par moi même, ne me souvenais pas très précisément ce que j’avais dit, mais un peu à mon insu, j’ai été un pauvre instrument qui diffuse la musique du Seigneur : la partition qui réconcilie. Deo Gratias ».

C. Soupeaux Septembre 2010